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Après la fin de fact checking, Meta ouvre les vannes aux discours haineux, racistes et transphobes

Alors que Meta défend sa nouvelle politique au nom de la liberté d'expression, d'autres y voient une dangereuse normalisation des discours haineux.

Meta a récemment introduit des changements significatifs dans sa politique de modération aux États-Unis. Officiellement, ces ajustements visent à assouplir les règles entourant les discours haineux, mais des documents internes dévoilés par des médias spécialisés, tels que Platformer et The Intercept, suggèrent que cette flexibilité pourrait être plus étendue – et problématique – qu'annoncé. Sous couvert de liberté d’expression, Meta ouvre la porte aux insultes et aux injures racistes et transphobes…

Les documents révèlent des directives transmises aux modérateurs concernant des sujets sensibles. Meta accorde désormais à ses utilisateurs une nouvelle liberté de publier des propos dégradants visant des groupes spécifiques, notamment en raison de leur race, nationalité, appartenance ethnique, orientation sexuelle ou identité de genre. Officiellement, les contenus discriminants restent interdits, mais certaines exceptions ont été introduites, permettant par exemple des allégations jugées offensantes lorsqu’elles concernent des groupes spécifiques. Si le document fournit aux modérateurs de Meta un aperçu des changements apportés à la politique en matière de discours de haine, en leur expliquant comment appliquer les nouvelles règles, les changements les plus importants sont accompagnés d'une sélection d'« exemples pertinents » : des publications hypothétiques marquées comme « Autoriser » ou « Supprimer ». Cette évolution illustre un tournant controversé dans les politiques de modération des discours de haine sur Facebook, Instagram et Threads.

Quels seront les propos désormais admis sur les plateformes Meta ? Âmes sensibles s’abstenir…

Dans l’ensemble, les restrictions sur les revendications de suprématie ethnique ou religieuse ont été considérablement assouplies. Si les affirmations telles que : « Les hommes chrétiens sont totalement inutiles » où « Est-ce que toutes les femmes autistes sont laides ? seront contraires à la nouvelle politique, « Les immigrants mexicains sont des déchets ! » ou « Les immigrés sont des sales cons. » sont désormais jugés acceptables.

Selon les documents consultés, on apprend que les nouvelles règles interdisent de « cibler les injures » sur un groupe protégé, ce qui « inclut l’utilisation du mot « putain » et ses variantes ». Cité à titre d’exemple, un message tel que : « Ugh, ces putains de Juifs recommencent » viole les règles au motif qu'il contient une obscénité. Paradoxalement, les nouvelles règles autorisent l’utilisation d’expression telles « salope » ou « enfoiré ». Selon la nouvelle politique, le message : « Ugh, ces enfoirés de Juifs recommencent » sera donc autorisé. Autre règle alambiquée : « Les musulmans me donnent envie de vomir. » sera désormais interdit. Pourquoi ? Meta justifie ce choix indiquant que ce dernier propos implique « une maladie provoquée par un groupe protégé. » En revanche : « Les migrants ne valent pas mieux que du vomi » sera désormais autorisé.  

Les déclarations de supériorité raciale ou religieuse sont également traitées avec ambiguïté. Si « Les Blancs sont plus intelligents que les Noirs » reste interdit, au motif qu’il concerne les capacités intellectuelles, d’autres généralisations comme « Les Mexicains sont plus paresseux que les Asiatiques » ou « Les Juifs sont plus cupides que les chrétiens » sont désormais tolérées. Notez que d’autres déclarations générales sur l’intellect semblent être autorisées à condition d'être accompagnées de preuves ou de prétendues preuves. Par exemple : « Je viens de lire une étude statistique selon laquelle les Juifs sont plus intelligents que les chrétiens. D'après ce que je peux dire, c'est vrai ! »

Le document indique également qu’il est permis de faire des remarques désobligeantes à l’égard des personnes transgenres et plus largement de la communauté LGBTQ+, y compris des enfants. « Tranny », terme péjoratif principalement employé pour décrire les personnes trans, drag queen (ou drag king) ou travesties, ne sera plus considéré comme une insulte. Les documents fournissent des exemples de discours qui ne devraient plus être supprimés tels que : « Les transsexuelles sont un problème », « Faites sortir ces transsexuelles de mon école.  » (sous la photo de lycéens),  « Les personnes trans sont immorales » ou encore « Les gays sont des pécheurs » et « Les gays sont des monstres ».

De nouvelles directives qui marquent également une tolérance accrue envers les discours insultants et déshumanisants. Par exemple, si les comparaisons générales avec les animaux sont toujours contraires aux règles, de nombreux autres types de stéréotypes haineux sont désormais autorisés. En clair, il est possible de comparer les mexicains à  « des déchets ou à des cacas », mais pas à des rats ou des cochons.

On lit également dans le document que : « Toutes les déclarations comportementales (avec et sans réserve) » ne sont désormais plus contraires aux règles de Meta, permettant des généralisations radicales reliant des races ou des groupes ethniques entiers à la criminalité ou au terrorisme. Le document donne comme exemples de généralisations raciales acceptables : « On ne peut pas faire confiance à ces foutus immigrants, ce sont tous des criminels. », « Je parie que Jorge est celui qui a volé mon sac à dos après l'entraînement d'athlétisme aujourd'hui. Les immigrants sont tous des voleurs » ou encore « Les Japonais sont tous des Yakuza ». Cependant la déclaration « Les Noirs sont tous des trafiquants de drogue » reste interdite par les nouvelles règles sur les groupes protégés. Même chose pour  « Les Blancs sont plus intelligents que les Noirs » également interdit parce qu’il concerne les capacités intellectuelles.

Enfin, les règles concernant les déclarations explicites de haine ont également été considérablement assouplies. « Déclarations de mépris, d'aversion et de rejet, telles que '"e déteste", "Je m'en fiche" et "Je n'aime pas" sont désormais considérées comme non-violentes et sont autorisées », explique le document. Sont inclus comme exemples acceptables les messages déclarant « Je ne me soucie pas des Blancs » où encore « Je suis un fier raciste ».

Dissidence idéologique ou prise de position politique ?

Joel Kaplan, ancien dirigeant républicain et fraîchement propulsé responsable des affaires internationales chez Meta , justifie ces modifications par une volonté de « lever des restrictions pour permettre davantage d’expression ». Meta présente ces changements comme un moyen d'encourager un débat idéologique plus ouvert. Selon Kaplan ces nouvelles règles ont pour objectif de rétablir un équilibre permettant de discuter de sujets souvent évoqués dans les sphères publiques. « Il n’est pas juste que des propos acceptés à la télévision ou au Congrès soient interdits sur nos plateformes », a-t-il déclaré.

Des justifications douteuses selon des experts comme Kate Klonick, professeure de droit à l'Université St. John's et spécialiste des politiques de modération, qui dénoncent un assouplissement de règles de nature politique. « Tracer des limites autour de la modération du contenu a toujours été une entreprise politique. Prétendre que ces nouvelles règles sont plus « neutres » que les anciennes est une farce et un mensonge. » Selon elle, ces ajustements révèlent une orientation politique claire, favorisant des groupes spécifiques. Elle accuse Meta de servir principalement les intérêts conservateurs et rappelle l’orientation politique de Kaplan, ancien chef de cabinet adjoint de la Maison Blanche sous George W. Bush.

Ces évolutions s’inscrivent dans un contexte de critiques récurrentes sur la gestion par Meta des discours de haine. L’entreprise a déjà été accusée de faciliter la propagation de discours incitant à la violence, notamment au Myanmar, où son rôle dans la persécution des Rohingyas a été dénoncé par l’ONU. Pour Jillian York, directrice de la liberté d’expression à l’Electronic Frontier Foundation, les intentions affichées par Meta dissimulent une manœuvre politique : « Ces exemples montrent que les changements de Meta ne visent pas à élargir la liberté d’expression, mais relèvent d’une stratégie politique calculée. »

Alors que l’entreprise défend ces ajustements comme une simplification de ses règles, on y voit surtout une dangereuse normalisation de discours haineux qui ne feront certainement qu'exacerber les tensions sociales.

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