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Marketing

Le SEO est un levier capital pour la visibilité. Pourtant, les entreprises françaises sont à la traîne. Interview.

SEO : les entreprises françaises sont en retard. Pourquoi ? Un manque de culture digitale et une faible agilité.

La visibilité est cruciale pour une entreprise. Sachant que près de 90 % des recherches passent par les moteurs de recherche et principalement Google, devenu incontournable, optimiser son référencement (SEO ou SEA) est primordial pour augmenter son trafic et renforcer sa crédibilité. Si les enjeux sont connus, force est de constater que les entreprises françaises n’exploitent pas l’ensemble des données qui sont à leur disposition et accusent une forme de retard. À quoi est dû ce retard ? À quel niveau se situe le goulot d'étranglement ?

Explications avec Rémy Bendayan (ex-Google), fondateur de datashake, agence de conseil en marketing digital et en data. Interview.

Pouvez-vous nous présenter datashake ?

Rémy Bendayan : datashake est une entreprise que nous avons créée avec mon associé Anthony Chelly il y a 5 ans après avoir passé 4 ans chez Google. Chez Google, j'ai eu plusieurs casquettes, mais j'ai notamment accompagné des startups puis des agences dans leur croissance sur Google Ads. C'est en accompagnant des agences que je me suis rendu compte qu'il y avait un vrai delta entre ce que Google recommandait de faire et ce que ces agences, qui avaient pour clients des grands comptes et notamment des entreprises du CAC 40, faisaient dans la réalité. Nous nous sommes alors dit qu'on pouvait accompagner des clients avec une méthodologie un peu différente.

Quelle est votre proposition de valeur ?

Rémy Bendayan : La proposition de valeur de datashake, est d'accompagner les entreprises dans toute leur stratégie d'acquisition : trafic qualifié, génération de notoriété ou de leads… Notre travail consiste à définir la meilleure stratégie possible en fonction de leurs objectifs et de leur budget. Ensuite, charge à nous d'exécuter cette stratégie et donc de gérer les campagnes au quotidien. C'est notre offre historique sur la gestion de campagnes publicitaires : Google, Facebook, Instagram, TikTok, Pinterest, Snapchat… Progressivement, nous nous sommes diversifiés et avons développé une offre SEO. Depuis un an et demi, nous accompagnons nos annonceurs dans le référencement naturel de leur site. Une offre qui finalement est complémentaire à notre offre SEA historique.

Nous avons également une entité qui accompagne nos clients sur la stratégie créative : quelle création est la plus adaptée aux réseaux sociaux, quels formats… Et enfin, nous avons une entité data qui accompagne nos clients sur tous les sujets de tracking, analytique, dashboarding, notamment en ce moment avec les sujets de RGPD. Nous sommes en train de développer une nouvelle entité qui n'est pas encore publique, donc je ne peux pas forcément en parler.

D’une entité qui proposait du SEA vous avez muté progressivement en agence 360 ?

Rémy Bendayan : Oui, l'idée, est de passer d'un modèle d'agence mono-service à un groupe d'agences pluri-services. Nous sommes en capacité d'accompagner les annonceurs sur les 360 degrés du marketing digital. Aujourd'hui, nous sommes 50 et nous accompagnons près de 200 clients startups (Qonto, Alan…), des grands groupes (BNP Paribas, Siemens, Europcar, Air Liquide…) mais aussi des PME. Nous sommes bootstrappés, donc en fonds propres, ce qui signifie que nous n’avons jamais fait de levée de fonds.

Atteignez-vous la rentabilité ?

Rémy Bendayan : C'est un business model intéressant, puisque le modèle d'agence, de façon générale, est rapidement rentable. Très concrètement, dès les premiers jours, le montant de nos prestations couvrait nos charges (WeWork, PC, frais de nourriture…). Au fil du temps, nous n’avons pas cessé d'être rentables.

Selon vous certaines entreprises françaises ont du retard. Pourtant, le SEO n’est pas un sujet nouveau, comment l’expliquez-vous ?

Rémy Bendayan : Une assez grosse partie des entreprises françaises n’exploitent pas l’ensemble des données (prospects, visiteurs…) qui sont à leur disposition. Couplé à ce constat, il y a celui que je faisais en préambule et qui nous a conduit à créer notre entreprise : les recommandations faites par Google, Meta et  les autres, ne sont pas forcément appliquées. Ça évolue positivement, mais il y a encore un décalage. Enfin, je pense qu’il y a quelque chose de culturel. Lorsqu’on échange avec des entreprises étrangères, américaines, anglaises ou autres, on note une agilité plus importante que dans les entreprises françaises. C'est moins vrai pour les petites structures. Les DNVB et les startups sont assez agiles. On constate d'ailleurs, qu’elles sont souvent plus matures digitalement que les grands groupes. Dans les grands groupes ou les grandes PME, au manque de culture digitale viennent s’ajouter des process de prise de décision très lents. Tout ça combiné fait qu'il y a un vrai retard qu’on essaie de combler.

À quoi est dû ce retard ? À quel niveau se situe le goulot d'étranglement ?

Rémy Bendayan : Ce n'est pas un problème de ressources, c'est un problème de compréhension qui concerne le digital de façon générale. C'est un milieu très évolutif. En caricaturant, on pourrait dire qu'avant, il n'y avait que Google et Meta qui se partageaient le gâteau de la publicité en ligne. Aujourd'hui, il y a eu une multiplication des plateformes : TikTok, Pinterest, Snapchat, Bing… Leurs algorithmes évoluent régulièrement. À mon sens, le problème n’est donc pas financier. C'est une question de curiosité digitale, de niveau technique… Je ne vais pas dire que c'est une question d'âge parce que ce serait trop réducteur, mais c'est une question peut-être de temps homme investi.

Quels sont les changements et les défis à venir ?

Rémy Bendayan : Côté changement, on pense immédiatement à l’intelligence artificielle. En réalité, dans notre métier, l'IA est présente depuis longtemps. Le commun des mortels a l'impression que l'intelligence artificielle est sortie de terre avec ChatGPT, mais quand j'ai commencé chez Google, il y a 9 ans, il y avait déjà de l'intelligence artificielle. L'IA n'a fait qu'améliorer la manière de piloter les campagnes, les performances des campagnes. Ça a également fait évoluer le travail des consultants en marketing digital et donc des agences. De façon très bête et méchante, il y a dix ans, notre métier consistait à passer notre journée à modifier des centaines de mots-clés et à faire des centaines d'enchères à la main. C'était très chronophage et fastidieux. Aujourd'hui, il n'y a plus besoin de mettre autant de mots-clés et les enchères sont choisies automatiquement par l'algorithme. Notre travail s’est donc recentré sur l'accompagnement client, la réflexion autour de sa stratégie, le pilotage de son budget… Avec l'IA, notre métier a changé, ce qui a impacté l'offre d'accompagnement et les prix.

Comment ces régulations impactent-elles votre métier ?

Rémy Bendayan : Ça a commencé avec la RGPD et depuis ça s'est intensifié. Ce n’est pas forcément de la régulation étatique. C’est le cas avec iOS 14.5 qu’Apple a mis en place et imposé à toutes les applications, dont Facebook et Instagram, pour récolter le consentement des utilisateurs afin de pouvoir les traquer. Ces limitations ont fortement impactées Meta : baisse du chiffre d'affaires et chute de l’action. Le Digital Market Acts et la fin des Cookies tiers vont aussi changer pas mal de choses.

L'importance du respect de la vie privée grandit et par conséquent, nous avons accès à moins de données. En tant qu’agence, nous avons également vu un réel impact sur les performances des campagnes. En tant que marketeux, notre métier consiste en partie à pousser une publicité à quelqu'un et de voir si cette publicité a généré une action, que ce soit une vente ou autre. Toutes ces barrières, qui ne sont pas forcément des négatives, sont autant d’obstacles qui nous empêchent de suivre la rentabilité de nos campagnes.

Existe t-il des solutions alternatives pour estimer le ROI ?

Rémy Bendayan : La difficulté est que chaque plateforme a ses propres règles. Google, est leader en la matière et a montré l'exemple. Facebook a une fonctionnalité “ Conversion API Facebook (CAPI)”. Techniquement, la récolte de données se fait différemment. On ne passe pas par des cookies, mais par le serveur. Ça a permis à Facebook de contrer partiellement la réglementation iOS 14. Mais en général, Meta communique très peu.

Parmi les alternatives, on peut également faire des projections de données. Si par exemple, je n'ai que 80 % des personnes qui acceptent de donner leurs cookies, pour les 20 % manquants, on va effectuer des projections de conversion pour estimer combien de conversions elles ont générées.

Les stratégies de contenu (blog, livre blanc, business case…) vont-elles prendre de l'ampleur pour contourner ces régulations ?

Rémy Bendayan : Les contenus en téléchargement permettent de contrer ce manque à gagner de data qui sont renseignés sur le site. Recueillir des informations via des livres blancs, des formulaires… permet de récolter des numéros de téléphone et des e-mails. Ce sont des données qualitatives. Ça a toujours été quelque chose qui fonctionne bien. Ça ne va pas remplacer ce qu’on collectait avant, mais peut-être que ça va un peu s'intensifier.

Google donne de plus en plus la priorité à la pertinence et à la qualité du contenu. Est-ce que ça va changer votre manière de travailler ?

Rémy Bendayan : Avant, les acteurs du référencement naturel étaient dans une démarche de volume. On trouvait plein de petits hacks, de manières d'essayer de contourner l'algorithme Google… Aujourd'hui, c'est fait plus intelligemment. Le curseur se déplace vers la qualité du contenu. C'est une chance pour les agences et pour les annonceurs. On leur demande davantage d'apporter de la valeur aux internautes. C'est le plus important finalement. Ça change un peu notre métier, mais dans le bon sens.

Et sur l'IA, où en est la France ? Constatez-vous également un retard ?

Rémy Bendayan : C'est plus mon avis personnel, basé sur ce que j'observe et entends. Le contexte de base, c'est qu'on dispose de moins de cerveaux qui sont en capacité de travailler et de développer des applications et des programmes d'intelligence artificielle. Pour plein de raisons macroéconomiques : fuite des cerveaux, salaires… Au-delà de ça, l'éducation de la population se fait aussi de façon très disparate. Le manque de culture combiné à un désintérêt fait que globalement, nous avons un peu de retard par rapport à d'autres pays, comme les États-Unis par exemple. Nous n’avons pas d'entreprise porte-drapeau. Il y a heureusement un contre-exemple : Mistral, qui arrive à faire de l'ombre à chaque GPT et à d’autres. C’est l'étendard de l'intelligence artificielle pour la France. Mais on manque d'entreprises françaises qui rayonnent sur le plan international dans le domaine de l'intelligence artificielle et qui rehausseraient l'intérêt des Français. Il y a des initiatives qui naissent, pas mal de startups se battent pour essayer d'émerger autour de ce sujet-là. Je ne veux donc pas peindre un tableau trop noir. Mais j’ai l'impression qu'à chaque opportunité technologique, tous les 5 ans, 10 ans, 15 ans, les compteurs sont remis à zéro pour tous les pays et nous ne sommes jamais sur le devant de la scène. C'est un peu dommage.

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